Coup de Cœur Société Civile – 2012
Madagascar
Lutte contre la Violence Foncière dans les Zones Enclavées
Mots-clefs : justice, droit foncier, citoyenneté, association locale, administration.
Esther Vololona Razazarivola, championne d’une justice pour tous ! Elle a cinquante ans et une énergie incommensurable. Mariée et mère de deux enfants, elle a su très tôt de quoi sa vie serait faite. Après avoir rejoint les Sœurs d’Andrefanimanana à Mantasoa à la fin de ses études, la mère supérieure lui propose quelques années plus tard de rejoindre la communauté des Sœurs du Christ. Esther Vololona Razazarivola décline l’invitation car elle sait désormais ce qu’elle fera : lutter contre toute forme de violence, y compris la violence foncière, et mettre la justice de son pays au service des plus démunis et notamment des femmes.
La problématique : La propriété foncière est une problématique majeure de développement à Madagascar en raison des tensions créées par la coexistence d’un droit coutumier traditionnel et d’une réglementation foncière héritée de la colonisation, le tout sur fond d’aspirations individuelles. « Ce que je ne prends pas aujourd’hui un autre le prendra à ma place demain : c’est la course aux ressources et à la terre […]. » explique Alain Bertrand, spécialiste de la problématique foncière à Madagascar. Ce qui crée des tensions au sein d’une partie de la population qui considère toujours la terre comme “un patrimoine sacré, légué par les ancêtres”.
Cette ambiguité bénéficie essentiellement aux “initiés” qui maîtrisent le code foncier et les arcanes de l’administration. Parmi ceux-là, certains profitent de l’occasion pour spolier les propriétaires ancestraux de leurs terres. Il n’est pas rare qu’un villageois qui se pense propriétaire d’une terre, apprend le lendemain que sa terre appartient désormais et très légalement à quelqu’un d’autre…
Action : En mars 2010, Esther lance son projet de Lutte contre la violence foncière dans les zones enclavées. Elle est entourée d’une série d’acteurs aux compétences complémentaires comme Pierrette, Claire et Tefy les juristes, Feu Elizanah le technicien ou Eloi le patriarche. Leur but : combattre les obstacles qui entravent l’obtention des titres fonciers. L’association aide notamment la population à réunir les pièces prouvant la mise en valeur des terres ou à recueillir les témoignage des anciens, essentiel pour prouver l’histoire d’une terre. Des juristes spécialisés se mettent gratuitement au service d’une population souvent illettrée… Depuis, le recours juridique permet à la population de mieux faire entendre sa voix : « Alors que l’Administration affirmait avoir perdu les dossiers introduits par les villageois, une décision de justice a contraint cette dernière à les retrouver. Le résultat a été qu’en effet, l’Administration a retrouvé des dossiers ! »
Dimension Harubuntu : L’action d’Esther génère des effets en cascade. Il s’agit d’un très bel exemple du rôle que peut jouer un comité de quartier. En ouvrant l’accès à la justice pour lutter contre les dysfonctionnements et la corruption, elle redonne la parole à ceux qui ont peur de parler, de s’exprimer, qui ont peur d’être réprimandé. Et même si du chemin reste à faire, les exclus d’hier trouvent une nouvelle place au centre des préoccupations des services publics. Révoltée par l’injustice, passionnée par son engagement, Esther Vololona Razazarivola agit avec doigté. Sa relation de partage avec sa communauté impressionne. Ses idées, elles les livrent aux villageois pour être débattues. Jamais pour les imposer. Lorsqu’elle est en équipe, son travail se base sur l’écoute, la compréhension et la transparence. Sans effort, elle réunit, elle rassemble. C’est sa vocation. Ce sur quoi, elle ne transige pas, c’est en définitive l’injustice.