Prix Communication – 2012
République Démocratique du Congo
AFEM (Association des Femmes des Médias du Sud Kivu)
Mots-clefs : justice, guerre, citoyenneté responsable, radio, collectivité locale, ruralité.
Kamuntu Jolly, libératrice de parole. Elle a 36 ans. Mariée et mère de trois enfants, Kamuntu Jolly est femme de caractère, de communication aussi. Juriste – elle est graduée en droit –, elle entre en radio comme on entre en religion : avec foi et passion. Arrivée en 2000 à la radio catholique Maria, elle rejoint la radio Maendeleo en 2004. Elle ne la quittera plus et y exercera tour à tour les métiers de collaboratrice, journaliste-productrice, chef de programme et rédactrice en chef avant d’en devenir la directrice. Aujourd’hui, elle est présidente du conseil d’administration de l’AFEM (Association des Femmes des Médias du Sud Kivu).
La problématique : Dans cette région du Sud Kivu, les communautés rurales n’ont guère droit à la parole. Elles sont les grandes oubliées de la gestion de la chose publique. Avec la guerre, les groupes armés pullulent et rendent plus précaires encore la situation des paysans. Dans cette région, l’injustice est plutôt la règle que l’exception. Les communautés rurales y ont toutes les peines du monde à exercer leur rôle dans le développement local.
Action : Farouchement opposée à l’injustice, Kamuntu Jolly s’installe d’abord pleinement dans son métier de journaliste. Elle donne la parole aux uns et aux autres, aux femmes comme aux hommes, sans privilégier une parole plutôt qu’une autre. Mieux, elle donne la parole au gens dans leur langue, s’intéresse à leur richesse malgré la pauvreté… Elle se rend sur le terrain pour écouter les arguments de ceux qui sont entrés dans la lutte armée, elle couvre des procès relatant des situations d’injustice criante. Ce faisant, elle dit ou laisse s’exprimer une parole qui révèle une autre vérité que la vérité officielle. Ce qui lui vaut des menaces de mort quotidiennes. Graduellement, elle encourage la mise en place et le renforcement des capacités des Radio clubs, aujourd’hui au nombre de 145. Ces derniers au plus près du quotidien des villageois, organisent le débat interne puis le porte en onde. A travers les Radio Clubs, les communautés s’expriment, échangent, partagent leur quotidien en toute liberté et se mobilisent pour apporter un changement.
Dimension Harubuntu : Elle pourrait simplement être une excellente journaliste, capable de passer des semaines avec les maquisards pour rapporter des reportages que personne d’autres ne réalise. Elle pourrait simplement donner la parole à tous, mais ce ne serait que normal puisque c’est la raison d’être des radios communautaires. Ce qui la rend remarquable est de privilégier une culture de l’ouverture, du dialogue, de l’expression. Son action va bien au-delà de son métier de journaliste. C’est dans sa capacité d’organiser les collectivités locales autour “des Radio Clubs”, lesquels structurent la pensée et la parole de ces collectivités, que réside sa force. Grâce à son action, les ruraux ont enfin vaincu leur peur de l’autorité, se sentent libres d’exprimer leur opinion sur des sujets comme la paix, la gouvernance locale, sur les structures. Son action est libératrice du potentiel local. Ce qui la rend remarquable enfin est qu’elle brave les préjugés relatifs à la femme. Par son action, par son énergie et sa détermination, par son sens de la justice, elle montre aux autres femmes du Sud Kivu qu’elles aussi peuvent faire changer les choses.