Prix Entreprenariat – 2012
Sénégal
La Compagnie du Bien Manger
Mots-clefs : nourrir, aliments locaux, cuisine, gastronomie, diététique, santé, créativité, maladie, saveur, plus-value, culture, bien manger.
Saly Wade cuisine pour réconcilier l’identité, la gastronomie et la santé. Après avoir fait l’expérience de soucis de santé, Saly Wade s’est interrogée sur la justesse de son mode de vie, jusque dans ses habitudes alimentaires. Elle a fini par poser ses propres marmites sur le feu, touiller et faire goûter, sans cesser d’observer ce qui l’entoure de son œil de géographe enseignante et chercheuse à l’Université Cheik Anta Diop de Dakar. Saly propose de redonner de l’importance à la nourriture et à l’acte de manger. Aujourd’hui, elle propose un modèle de cuisine locale, gastronomique et diététique, qui peut, à l’occasion, présenter un caractère thérapeutique (diétothérapie) ou artistique et militant. Ouvert sur le monde, adapté aux changements socio-économiques en cours, il redonne une bonne place aux produits du terroir, en en promouvant l’image. Il constitue une excellente prévention des maladies non transmissibles – désormais si répandues dans les villes, et qui guettent les campagnes. L’évolution des aliments et des comportements alimentaires sont vus par Saly comme des révélateurs de transformations sociales. C’est pourquoi, à travers les questions transversales de l’aliment et de l’alimentation, elle parle aussi de cultures et d’identités recomposées qui laisseraient une modernité à l’africaine émerger à côté de traditions culinaires préservées.
La problématique : La progression rapide de l’urbanisation a apporté de nombreux changements de comportements, à une échelle massive. Alors que les conditions matérielles de vie se sont globalement améliorées au Sénégal, les régimes alimentaires restent déséquilibrés. On observe des situations extrêmes faisant se côtoyer les paradoxes apparents de la sous-alimentation et de l’obésité, ainsi que leurs corollaires (les maladies non transmissibles). Entre la sédentarité qui s’installe, le Hamburger Dream de la jeunesse et les pouvoirs de quasi magie culinaire que les ménagères prêtent aux divers bouillons-cubes qui ont envahi la cuisine africaine, l’hygiène alimentaire et l’hygiène de vie se dégradent. Influencés par les médias et l’imaginaire d’une société entrant avec délectation dans l’ère consumériste, combien sont-ils à tomber dans les pièges innombrables de la malbouffe, en croyant se moderniser ? Pour Saly, nous sommes ce que nous mangeons et riches de nos cultures alimentaires et gastronomiques. Elle prépare le terrain pour des études destinées à comprendre les déterminants et les implications de l’évolution du modèle alimentaire sénégalais. Une nouvelle culture du Bien Manger, pour Bien Vivre, pourrait être la signature d’une Afrique qui s’affirme, citadine comme le monde entier tend à le devenir et spécifique comme chaque région du monde et même chaque terroir ont le droit de vouloir le rester.
Action : Saly s’est entourée d’une équipe bien affûtée pour répondre à la variété des problèmes qui se posent dans son environnement en termes de Bien Manger. L’entourent, selon les situations : un chef cuisinier, une nutritionniste, une diététicienne, une psychologue, un moniteur de sport, une communicatrice, etc. Ensemble, ils forment La Compagnie du Bien Manger. Pendant la période de mise au point des produits et en vue de préparer l’étape d’ouverture au public, différents services ont été testés : diagnostic, suivi et rééducation alimentaires, formule traiteur pour des évènements exceptionnels ou repas sains en entreprise, ateliers de cuisine diététique et gastronomique, démonstrations culinaires,... Des dégustations introduisent et accompagnent toujours les conférences ou débats qui sont organisés. Parce que convaincre de Bien Manger passe par faire Bien Manger et par la communication, de sorte à inscrire le Bien Manger dans les valeurs transmises et les compétences développées dès l’enfance.
Dimension Harubuntu : Saly allie créativité et engagement. Elle réveille au plus profond des gens l’expression de leurs besoins essentiels. Elle mène son combat contre un problème devenu mondial, pour que manger devienne accessible à tous et ne soit plus un acte non pensé ni un moment de culpabilité et d’angoisse. Manger est un acte de vie et de partage, que chacun devrait pouvoir faire en l’améliorant, en sachant que la culture du Bien Manger à laquelle chacun aspire dans les variantes qui lui sont adaptées, est autant une histoire de choix individuel qu’un enjeu de société et de développement. Selon la philosophie de l’Association Plus Value Culture, partenaire de La Compagnie du Bien Manger « Plus de culture dans ce que nous entreprenons, c’est plus de valeur dans ce que nous produisons ». Si cette formule est bien comprise on admettra que « la création d’un environnement favorable à la production de richesses ne consiste pas seulement en la construction d’infrastructures ou d’équipements. Elle est aussi dans l’amélioration de la plus-value dégagée dans la filière alimentaire, dans la bonne santé de la population, dans son éducation et la transmission de compétences de base, et dans des identités assumées », comme nous le révèlait Saly lors des rencontres de terrain.