1- Préambule
1.1. Le prix « Harubuntu des porteurs d'espoir et des créateurs de richesses africains » est né en 2005 dans le sillage d'un colloque organisé au Palais d'Egmont à Bruxelles à l’initiative du Partenariat pour le Développement Municipal et de l'ONG belge Echos Communication sur le thème : « De nouvelles relations avec l'Afrique pour créer des richesses ensemble ». Il offrait l'occasion aux médias et aux institutions de coopération internationale, et à travers eux au grand public, de découvrir une vision plus positive de l’Afrique. Au terme de cet événement, il est toutefois apparu que les exemples qui illustrent cette autre Afrique sont méconnus. Ce questionnement sera poursuivi en 2006 à l'occasion de l'atelier médias organisé dans le cadre du sommet « Africités IV » des collectivités locales africaines à Nairobi.
1.2. De là l’idée de mettre en place un mécanisme de promotion d’une nouvelle image de l’Afrique qui bouge et des Africains qui la font bouger. L'option d'un prix a été retenue pour son pouvoir mobilisateur. Il lui fallait cependant un nom. Ce fut Harubuntu. Ce mot provient de la langue parlée au Burundi. Il est composé de deux mots, "hari" et "ubuntu". En kirundi, "hari" signifie, littéralement, "il y a", "il existe". Le mot "ubuntu" donne corps à l'idée d'humanité, il désigne le fait d'être humain, mais il supporte aussi l'idée de sagesse ou de générosité, deux qualités qui honorent l'humanité. L’ubuntu constitue l’horizon vers lequel l’humain marche en permanence où l’on s’accompagne et se restaure mutuellement. Pour nous, "Harubuntu" veut dire "Ici, il y a de la valeur" humaine. Ce terme met en lumière tout ce qui fait la grandeur et la créativité de l'Homme en articulant le local et le global. Il cristallise l'esprit et l'âme du prix.
1.3. Harubuntu soutient que toutes les régions du monde, et donc pas seulement l'Afrique, sont exposées à des défis d'une ampleur inédite entre autres le repli individualiste, la montée des inégalités et déséquilibres économiques, les menaces environnementales, la gouvernance incertaine.
1.4. Harubuntu démontre que, face à ces défis, l'Afrique et les Africains, au même titre que les autres peuples ou régions du monde, peuvent apporter des contributions majeures pour faire progresser toute l'humanité en valorisant ce qu'il y a de meilleur dans l'Homme. En ce sens, Harubuntu montre que l'Afrique et les Africains contribuent à l'élaboration de valeurs universelles et que, ce faisant, ils participent au progrès de l'Humanité.
1.5. La société actuelle, partout dans le monde, et particulièrement dans le secteur de la coopération internationale, valorise la culture du résultat attendu et installe un clivage entre « bénéficiaires » et « acteurs de la coopération ». Harubuntu privilégie une culture du processus ouvert sur l'expression du potentiel des personnes et de leur impact sur leur milieu. Ce processus de découverte est porteur d'une efficacité durable.
1.6. Le monde d'aujourd'hui manifeste une tension antagoniste entre la dimension individuelle (le "Je") et la dimension collective (le "Nous"). Harubuntu postule que l'Homme est multidimensionnel et, dès lors, parle de « personnes ». Il soutient que le développement des personnes soutient celui de leur société autant que le développement de la société soutient le développement des personnes, lieu d'éveil, qui la constituent. Chacun façonne en même temps qu'il est façonné.
1.7. Harubuntu s’intéresse à des personnes qui mettent en œuvre des projets concrets qui contribuent à éveiller et valoriser leur potentiel et celui de leur communauté.
1.8. Les personnes aussi bien que leurs projets et initiatives sont ancrés dans une société et ses territoires, dans des réseaux de relations qui fondent cette société, dans des lieux chargés d'histoire et imprégnés d'une culture propre. Harubuntu soutient les initiatives et les initiateurs qui réalisent la liaison entre développement de leurs projets, développement de leur être et développement de leurs territoires.
2- Principes fondamentaux
2.1. Harubuntu s’inspire de l’Ubuntu et induit un équilibre basé sur la réciprocité « j’existe parce que tu existes ». « J’accepte et je comprends que même en étant initiateur/accompagnateur, je m’assois sur le même banc que celui que j’accompagne, j’accepte mon humanité et la sienne dans nos faiblesses et dans nos forces. J’accepte que celui que j’accompagne me relève quand je tombe ».
2.2. En toute personne existe un potentiel en attente de développement. Ce potentiel est une ressource majeure pour l’épanouissement de l'Homme, de l'humanité et des sociétés. La libération de ce potentiel permet de libérer celui des autres, un processus facteur d'innovation sociale. Harubuntu soutient tout ce qui valorise, accroît et enrichit ce potentiel.
2.3. Le génie loge chez des gens ordinaires qui font des choses extraordinaires. Mais le génie individuel n'a de vertu ultime que s'il enrichit la communauté où il œuvre, que s'il inspire du génie collectif. Harubuntu célèbre la personne qui innove, non pour elle- même, isolément, mais en tant que personne liée à une société de femmes et d'hommes, en tant que personne enrichissant la destinée de sa société.
2.4. La diversité des femmes et des hommes construit l'unité et la cohérence de l'Humanité. La diversité qu'offre chacun et chacune est une source d'enrichissement pour tout le monde. Harubuntu privilégie la diversité, la complexité et la singularité.
2.5. La richesse se crée là où on vit. Elle vient de soi, de l'énergie et du travail que l'on investit pour la créer et pour la faire grandir là où on vit. Harubuntu privilégie le local, le territoire, les ancrages porteurs de sens, de vie et de vécu, loin de tout repli sur soi. Harubuntu promeut le lien entre le local et le global. Harubuntu encourage des initiatives locales qui développent les territoires et les liens entre eux.
2.6. Il n’existe pas d’étalon universel pour appréhender le monde. Harubuntu ambitionne de changer la relation de l'Afrique au Monde, et vice versa, en changeant le regard et les façons de croiser les regards, en brisant les préjugés, en empêchant que l'autre ne soit vu uniquement comme un autre soi-même.
2.7. Pour Harubuntu, les besoins immatériels sont aussi importants que les besoins matériels. S’adresser aux premiers renforce la capacité des individus à répondre aux seconds.
2.8. Harubuntu noue étroitement trois dimensions majeures : les personnes, leurs projets et les transformations que les porteurs de projets déclenchent dans leur société grâce à leurs actions, leurs attitudes et leurs comportements.
2.9. Harubuntu s'appuie sur les trois principes méthodologiques fondamentaux suivants :
- placer la personne au cœur du processus de développement;
- aborder la personne par ses potentialités plutôt que par ses manques;
- questionner la personne et le collectif pour qu'ils expriment leur vision du développement.
3- Finalités
3.1. Changer les regards. Changer le regard sur soi et sur l’autre : en s’appuyant sur son potentiel (ubuntu), se restaurer soi et l’autre dans sa capacité de penser/trouver des solutions pour son propre développement
3.2. Déconstruire les préjugés : sortir des "clichés" les uns sur les autres.
3.3. Changer l'image de l'Afrique (les génocides, les famines, la misère,…). Montrer une Afrique qui réussit, qui construit ses solutions, qui innove,… Montrer une Afrique des talents qui attire et qui donne envie.
3.4. Donner un visage humain aux relations Nord/Sud. Cette force est tirée de la philosophie Harubuntu qui nous apprend qu’ « une personne est ce qu’elle est à travers les autres, par les autres ». Prendre conscience de cela me dispose à plus de respect, compassion, consensus dans ma relation à l’autre.
3.5. Promouvoir des Africains qui innovent.
3.6. Valoriser les multiples potentiels en attente chez tout un chacun. Aider à découvrir et à faire découvrir là où se cache le génie des hommes et des Peuples, quels qu'ils soient. Mettre en valeur l'intelligence de ceux et celles qui font naître ou découvrir du génie chez les autres.
3.7. Déclencher des synergies au départ de réussites, susciter des "envies de faire de faire pareil", de prendre soi-même des initiatives de telle sorte que la libération du potentiel de l'un libère le potentiel de l'autre, et vice versa. C’est le pari d’une intelligence collective, d’une Afrique debout et d’un monde plus solidaire.